La créativité des juristes suisses ne se limite pas à leur droit bancaire ou à leur législation sur les avocats, qui ont depuis des décennies déroulé le tapis rouge pour le blanchiment d’argent international et la fraude fiscale. Leur ingéniosité est particulièrement évidente lorsqu’ils sont sous pression, comme le montre une farce récente de la Direction de la justice de Zurich.
Selon une communication interne du parquet de Zurich-Sihl, un “jugement a été rendu contre A.B.*”. Communication interne ?
En réalité, la procureure Daniela Senn a affirmé en 2023 dans une ordonnance qu’A.B. avait joint à une plainte “un jugement rendu contre elle”. Le hic, c’est que le jugement que A.B. avait joint à la plainte l’avait complètement acquittée, et ce, non pas sur le principe “en cas de doute, pour l’accusé” : le tribunal avait clairement établi des motifs justifiant les actes imputés à A.B. Le parquet de Limattal/Albis, qui avait porté l’accusation contre A.B., avait renoncé à faire appel. La partie civile avait également renoncé à faire appel.
En 2023, la procédure contre A.B. remonte à plus de 10 ans. L’acquittement en faveur d’A.B. est définitif depuis plus de 10 ans en 2023. Ce jugement n’est pertinent en 2023 en tant que preuve pour une plainte pénale que parce qu’A.B. porte plainte pour diffamation contre une personne : cette personne avait écrit que A.B. avait été condamnée à l’époque. Daniela Senn, qui avait reçu la plainte, a rapidement réagi par une ordonnance de non-lieu. Elle a principalement justifié cela en disant que la diffamation était prescrite : car le document contenant l’affirmation erronée que A.B. avait été condamnée en 2010 avait été rédigé en 2017. La diffamation est prescrite, même si A.B. n’a pris connaissance de ce document qu’en 2023, après qu’il a été publié en 2022. De plus, Daniela Senn a déclaré de manière trompeuse dans l’ordonnance que, comme preuve, A.B. avait soumis “un jugement rendu contre elle”. Pourtant, A.B. avait soumis le jugement précisément parce que la procédure s’était terminée par un acquittement en sa faveur.
Contre l’ordonnance de Daniela Senn, A.B. a déposé un recours pour des raisons juridiques. Concernant l’affirmation qu’elle avait soumis un jugement rendu contre elle comme preuve, A.B. a également déposé une plainte séparée auprès du procureur général : A.B. a demandé une explication sur pourquoi Daniela Senn fait une erreur précisément sur le point qui est le sujet même de la plainte. Dans son ordonnance de non-lieu, elle confond acquittement et condamnation dans un jugement censé prouver le caractère erroné de l’affirmation selon laquelle A.B. avait été condamnée. Sur le point central de la procédure, Daniela Senn commet une erreur grave. Négligence ? Intention ?
Que ce soit par négligence ou intention, le procureur général ne peut pas le dire. Il délègue la réponse à la plainte d’A.B. au supérieur de Daniela Senn, le procureur en chef Daniel Kloiber. Celui-ci prend le parti facile. Dans sa réponse à la plainte d’A.B., Daniel Kloiber argumente maintenant de manière tortueuse que l’affirmation qu’un jugement a été rendu contre une personne ne contient aucune indication quant à savoir s’il s’agit d’un acquittement ou d’une condamnation (sic). Par définition, c’est de la NOUVEAU LANGUAGE (novlangue) que Daniel Kloiber fournit.
A.B. a analysé le problème à l’aide du modèle linguistique GPT-4. La conversation est visible publiquement (cliquez sur le lien). L’analyse par GPT-4 a montré que le modèle linguistique considère la compréhension linguistique de Daniel Kloiber comme ” inhabituelle “. L’affirmation qu’un jugement rendu contre une personne ne signifie pas qu’il y a une condamnation est ” trompeuse ” et ” problématique “, surtout dans un contexte juridique.
A.B. a confronté la Direction de l’intérieur et de la justice du canton de Zurich avec cette découverte. La réponse lapidaire de l’employé de la Direction de la justice, Tassio Suter : “De notre point de vue, rien de plus n’a besoin d’être ajouté à la lettre de lic. iur. Daniel Kloiber.” Tassio Suter ne s’est pas du tout penché sur l’évaluation de la réponse de Daniel Kloiber comme “trompeuse” et “problématique” ou sur la confusion de Daniela Senn en général. Il a esquivé ces questions avec sa réponse lapidaire.
En conclusion, il reste à ajouter que du moins le parquet I pour enquêtes spéciales a admis par écrit que c’était “une formulation malheureuse” de la part de la procureure Daniela Senn. Cependant, le parquet I pour enquêtes spéciales a nié tout abus de pouvoir de la part de Daniela Senn, arguant que les dossiers montraient clairement que le jugement avait abouti à un acquittement en faveur d’A.B. Sur cette base, A.B. a retiré la plainte contre Daniela Senn, qu’elle avait déposée en parallèle à la plainte de surveillance.
Il reste une discussion sur la qualité ou plutôt sur la négligence qui semble régner au sein des parquets zurichois. Il reste également une discussion sur l’arrogance de certains juristes. Enfin, il reste une discussion sur la place du NOVLANGUE dans une démocratie. À notre avis : clairement Non.
Si les plaintes de surveillance auprès du Bureau du procureur public et de la Direction de la justice du canton de Zurich, comme dans le cas présent, sont écartées, c’est un signe que le contrôle démocratique des autorités ne fonctionne pas.
Mise à jour du 12 novembre 2023: Le 11 octobre 2023, A. B. a contacté par email le Bureau de l'Ombudsman du Canton de Zurich. Elle a envoyé le lien vers cet article et a demandé à propos de son expérience avec le Département de la Justice, comme décrit ci-dessus : "Comment le Bureau de l'Ombudsman du Canton de Zurich voit-il la procédure dans le Canton de Zurich contre les procureurs publics fautifs lorsque les plaintes de supervision ne sont apparemment plus prises au sérieux et traitées ?" Le 12 novembre 2023, A. B. a informé le Zurich Observer qu'elle n'avait pas reçu de réponse du Bureau de l'Ombudsman. Le bureau est présidé par M. Jurg Trachsel, avocat et membre du parti populiste de droite "Union Démocratique du Centre".
Traduit par GPT-4